Bravant la mer et ses dangers, le pêcheur va chercher dans les entrailles de l’océan les poissons qui nourrissent les hommes depuis tant d’années. La pêche, activité ancestrale qui cible une ressource naturelle, est aujourd’hui au cœur de nombreux débats.
Historique
Le développement de la pêche industrielle, débuté dans les années 1970, a entraîné une forte augmentation des quantités de poissons prélevées. L’amélioration technique des engins de pêche et le nombre croissant de bateaux a eu raison de l’ancien mythe selon lequel l’océan était une ressource inépuisable. La production globale de poissons n’a cessé d’augmenter au cours des 50 dernières années.
Cependant la part de l’aquaculture a été de plus en plus importante sur les 30 dernières années. Pour ce qui concerne les captures de poissons par la pêche en mer, elles étaient en augmentation entre 1950 et 1985, et se sont stabilisées à partir de 1985 (FAO, 2014).
La prise de conscience de l’effet néfaste de la surpêche a entraîné la mise en place de mesures de gestion, le but étant de continuer à pêcher, mais de manière durable. Mais comment peut-on gérer la pêche, quand les animaux capturés sont camouflés par des litres d’eau salée ?
I – Comment déterminer l’état d’un stock de poissons ?
Quelques définitions
Lorsqu’on parle de pêche et de gestion de la pêche, on voit forcément apparaître le mot « stock ». Loin du terme employé par les entreprises, un stock de poissons constitue la fraction exploitable d’une population biologique.
Ainsi, les poissons de trop petite taille ne sont pas inclus dans ce terme car ils ne sont pas retenus par les engins de pêche.
Un stock est également une unité de gestion. Un même stock est généralement exploité par plusieurs pays, c’est pourquoi la coopération est importante pour qu’un stock soit bien géré.
Si un pays oblige ses pêcheurs à respecter des quantités maximales de poissons pêchés, tandis qu’un autre pays n’impose aucune restriction pour la pêche de ce même stock, il est peu probable que les pêcheurs acceptent les limitations de bon cœur !
On appelle biomasse d’un stock le poids total d’un stock de poissons. L’abondance est également un terme utilisé pour parler de la quantité de poissons. L’effort de pêche est une mesure de la quantité de matériel de pêche d’un type donné utilisée sur une durée définie. Par exemple, on peut compter le nombre de bateaux d’un même type, ou encore calculer le temps passé à pêcher.
Biologie générale des poissons
Contrairement aux mammifères, les poissons se reproduisent en relâchant dans l’eau leurs œufs ou sperme en quantité importante. Le succès de la reproduction dépend de nombreux facteurs, tels que la température ou les courants.
Le nombre d’œufs fécondés est très important, mais la mortalité sur les œufs et les très jeunes poissons est élevée du fait entre autres de la prédation et de la disponibilité en nourriture.
Ainsi, contrairement aux mammifères, le nombre de poissons de la génération suivante n’est pas linéairement dépendant du nombre de poissons reproducteurs.
Les modèles mathématiques d’évaluation de stock
Lorsqu’il s’agit de déterminer l’état d’un stock de poisson, il serait bien difficile d’aller compter chaque poisson dans la mer. Il faut donc recourir à des méthodes statistiques. On appelle modèle d’évaluation de stock les modèles mathématiques utilisés pour émettre un avis sur l’état des stocks.
En général, l’objectif en termes de gestion est d’atteindre le rendement maximum durable (RMD). Comme son nom l’indique, le RMD permet une exploitation maximale du stock, mais de façon durable.
Deux règles de base doivent être respectées : la biomasse des géniteurs ne doit pas descendre en dessous d’un seuil de précaution, et la pression de pêche ne doit pas dépasser un niveau au-delà duquel le renouvellement du stock pourrait être impacté. Si la pression de pêche est trop importante, la biomasse diminue, et les captures également.
Ce seuil de RMD n’est donc pas seulement bénéfique pour le stock, mais aussi d’un point de vue économique pour les pêcheurs.
II – Comment les règles de gestion sont-elles décidées ?
Les organismes intervenant dans la gestion des stocks
Pour ce qui concerne la gestion en Europe, le CIEM (Conseil International pour l’Exploration de la Mer) a pour mission d’émettre un avis scientifique sur l’état des stocks et de recommander des mesures de gestion. Au sein du CIEM, des scientifiques spécialistes d’un stock et venant de plusieurs pays se réunissent lors d’un groupe de travail et rédigent un rapport sur l’état du stock. Un avis est ensuite émis par le CIEM.
La commission européenne doit finalement se prononcer sur d’éventuelles directives à mettre en place. D’autres organismes jouant un rôle similaire à celui du CIEM existent : le FRCC au Canada (Conseil pour la conservation des ressources halieutiques), ou encore la NAFO dans le Nord-Ouest de l’océan Atlantique (Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest).
Une fois les mesures décidées, c’est à chaque pays de les faire appliquer.
Mise en place des mesures de gestion
Une mesure de gestion habituelle consiste à appliquer des TAC. Ce sont les totaux admissibles de capture qui sont décidés pour chaque stock. Un TAC est ensuite réparti en quotas de pêche parmi les pays exploitant le stock.
Le pourcentage de TAC auquel a droit chaque pays dépend d’accords historiques. Outre la limitation de la quantité pêchée, il est possible de limiter l’effort de pêche en régulant le nombre de bateaux, par exemple avec un système de licences dont le nombre est limité.
Une autre possibilité est d’appliquer une taille minimale de capture ou de réglementer les tailles de maille des engins de pêche. En augmentant la taille de maille, on oblige les engins à être plus sélectifs. Cela signifie que davantage de petits poissons échapperont à la pêche. Ils ont alors plus de chances de grandir et se reproduire, participant ainsi au renouvellement du stock.
Pour certains stocks, des périodes de fermeture de pêche sont appliquées, ou encore des interdictions de pêche dans certaines zones. Les dates et zones dépendent de la biologie de l’espèce. Il peut par exemple être bénéfique d’interdire la pêche pendant la période de ponte sur des zones connues comme lieu de reproduction.
III – Etat des lieux sur la gestion des stocks de poisson
Conséquences de la surpêche
La pression exercée par la pêche sur les stocks de poissons a causé une forte baisse d’abondance pour beaucoup de stocks de poissons. La composition des captures a également changé. Les prédateurs ayant été les premières victimes de la surpêche, certaines espèces ont vu leur biomasse augmenter grâce à la diminution de prédation. Les céphalopodes (poulpes, calmar, seiche) ont par exemple été dans certains endroits avantagés par la diminution des prédateurs. Cependant les pêcheries se sont adaptées et ont commencé à cibler davantage ces espèces.
Bilan sur la gestion des stocks
S’il est vrai que les stocks de poissons ont été victimes de la surpêche, la prise de conscience est aujourd’hui réelle. Les organismes de gestion permettent la collaboration de nombreux scientifiques et acteurs de la pêche dans le but de gérer au mieux les stocks.
En Europe, la gestion mise en place commence à porter ses fruits : 12% des stocks évalués par le CIEM sont gérés durablement, et ils représentent 47% des captures soumises à des quotas de pêche (AFH, 2016).
Cependant il reste encore 23% des stocks évalués qui sont en situation de surpêche, et 65% pour lesquels les données sont insuffisantes pour pouvoir donner un avis fiable. Ces chiffres montrent que la gestion des pêches peut fonctionner si les efforts se maintiennent, et qu’il est nécessaire de s’occuper en parallèle des stocks où les données sont insuffisantes.
La pêche est un métier très ancien, et les poissons sont une source de nourriture pour l’homme.
Avec une population humaine qui ne cesse de croître, il est attendu que la demande en poissons et produits de la mer continue à augmenter. Une portion de 150g de poisson peut fournir 50 à 60% de la quantité de protéines nécessaire à un adulte (FAO, 2014).
Cette nourriture est primordiale pour certains pays peu développés où les populations n’ont parfois pas d’autres sources de protéines. Mais pour pouvoir continuer à exploiter cette ressource fournie par l’océan, l’effort de gestion doit être poursuivi.
Il est également important de prendre en compte les autres pressions exercées sur la ressource telles que la pollution, le réchauffement climatique, ou encore la destruction des habitats.
Références
FAO 2014. The state of world fisheries and aquaculture 2014. Rome. 223 pp.
AFH 2016. Pêches durables en Europe : le compte n’y est pas. Note d’analyse de l’Association Française d’Halieutique. Document disponible sur https://www.association-francaise-halieutique.fr/.